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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 10:22

Cameroun - Lutte contre la corruption : La guerre des institutions :: CAMEROON

Cameroun,Cameroon - Lutte contre la corruption : La guerre des institutionsEn autorisant des enquêtes du Consupe à la Conac et, peut-être bientôt, à l’Anif, Paul Biya fait le lit d’un affrontement ouvert entre ces structures et fragilise davantage l’opération.

Une atmosphère lourde prévaut ces derniers temps au siège de la Commission nationale anti-corruption (Conac), au Palais des congrès de Yaoundé, où séjourne depuis plus d’un mois une mission d’inspection du Contrôle supérieur de l’Etat. Ladite mission qui court sur 90 jours, voit déjà ses premières conclusions étalées sur la place publique. Ce qui, pour certains cadres en poste à la Conac trahit «un certain agenda»…

Un «chasseur chassé». Le titre à succès de Sam Mbendé, s’applique cyniquement à la Conac, suscitant l’extase chez de présumés gestionnaires indélicats de deniers publics, éclaboussés dans les rapports de cette institution. D’après des agents de la Conac, qui ne rejettent pas le principe de la reddition des comptes, «le bruit fait autour de cette enquête est questionnable».

Déjà attaquée à la roquette pour la qualité de ses rapports, contrariée par le sort réservé à ceux-ci (situation qui fait dire à certains que la Conac est un chien qui aboie, mais ne mord pas) et embêtée par le non-renouvellement du mandat de son comité de coordination depuis deux ans, la Conac vit cette enquête du Consupe, autorisée par le président de la République, comme le coup de trop. Un lâchage en règle.

L’on peut dès lors comprendre cette réaction de dépit d’un employé de cette institution : «Qui contrôle le Contrôle supérieur de l’Etat?», s’interroge-t-il. Allusion à peine voilée aux dérives de certains inspecteurs d’Etat, à la moralité querellée, dont les rapports sont à l’origine des arrestations de certains pontes du régime. «Les charges retenues par ces inspecteurs contre certains gestionnaires fondent comme beurre au soleil au tribunal. Je pense qu’il est aussi temps d’en parler», rumine une source proche de la Conac.

Autorisation

Pendant que d’aucuns avouaient encore leur surprise après l’ébruitement de l’enquête du Consupe à la Conac, le bihebdomadaire L’œil du Sahel, dans son édition de lundi dernier révèle que le Consupe a «demandé au chef de l’Etat l’autorisation, ni plus ni moins, de diligenter des missions d’inspection  (…) au sein de l’Anif». Si le chef de l’Etat accède à cette requête, ce qui semble très probable, à en croire notre confrère, l’investigateur sera, d’ici la fin de l’année en cours, sous investigation.

Au Contrôle supérieur de l’Etat, l’on rappelle simplement les dispositions de l’article 2(a) du décret du 4 septembre 2013 portant organisation des services du Contrôle supérieur de l’Etat, relatives aux missions du Consupe : «La vérification, au niveau le plus élevé, des services publics, des établissements publics, des collectivités territoriales décentralisées et leurs établissements, des entreprises publiques et parapubliques, des liquidations administratives et judiciaires, ainsi que des organismes, établissements et associations confessionnels ou laïcs bénéficiant des concours financiers, avals ou garanties de l’Etat ou des autres personnes morales publiques, sur les plans administratif, financier et stratégique».

Une source au sein de cette institution précise du reste que «le Consupe est l’institution supérieure de contrôle des finances publiques du Cameroun [article 2 (1)]. Il y a des institutions, qui exercent dans le même champ et qui pensaient être à l’abri des contrôles. Il ne faut pas céder à la manipulation des gens, qui ont longtemps considéré le Consupe comme une coquille vide, et qui sont surpris par la confiance que le président de la République place en lui». Les épées sont donc tirées des fourreaux. Au plus fort de cette guerre des institutions, à laquelle il faut ajouter les batailles rangées pour le contrôle des dossiers entre la police et la gendarmerie, il faudra se poser une question : qui a organisé ?

La collaboration n’exclut pas le contrôle

Lorsqu’il prend fonction au ministère en charge du Contrôle supérieur de l’Etat, à la faveur du réaménagement gouvernemental du 9 décembre 2011, Henri Eyebe Ayissi s’engage à créer une synergie d’action entre toutes les institutions intervenant dans la protection non judiciaire de la fortune publique. Cette démarche du Consupe s’explique par la multiplicité des acteurs dans le domaine, souvent décriée parce que porteuse de conflits de compétence.

Comme pour envoyer un signal fort au peuple camerounais et aux partenaires au développement, dans le sens d’une meilleure coordination du travail des structures impliquées dans la lutte anti-corruption, Eyebe Ayissi recevra alors tour à tour le 25 janvier 2012, le président de la Commission nationale anti-corruption (Conac), Dieudonné Massi Gams, le directeur de l’Agence nationale d’investigation (Anif), Hubert Nde Sambone, le président de la Chambre des comptes de la Cour suprême, Marc Ateba Ombala et le coordonnateur du Programme national de gouvernance, Dieudonné Oyono.

Eyebe Ayissi ira plus loin. Il accordera des audiences à des partenaires extérieurs, à l’instar du  coordonnateur du projet Changer les habitudes, s’opposer à la corruption «Choc», Mamy Raboanarijaona ou encore le coordonnateur du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), Thierry Mertens.

Ces concertations ne resteront pas sans effet. Un forum national de protection non judiciaire de la fortune publique est organisé. Des contrôles mixtes (Consupe/Conac) sont annoncés dans les jours suivants. Les états généraux sur la protection de la fortune publique, qui se tiennent en octobre 2012, viennent parachever le nouveau cap. Même si en sourdine, des «crocs-en-jambes» persistent entre les «partenaires institutionnels» dans le combat contre la corruption et les détournements de deniers publics.

En autorisant des missions d’inspection du Consupe à la Conac, et peut-être bientôt à l’Anif, trois structures rattachées à la présidence de la République, Paul Biya ne va-t-il pas davantage discréditer l’opération Epervier ? Laquelle pâtit déjà des arrestations et libérations à tête chercheuse, des remboursements des fonds publics au compte-gouttes et d’une grâce présidentielle finalement insolite.

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