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14 août 2016 7 14 /08 /août /2016 17:29

(Extrait)… Les grands vecteurs du tribalisme au Cameroun à ce jour, sont avant tout les «élites», dont certaines se servent de leur appartenance ethnique pour négocier des positions de pouvoir dans l’administration publique, comme dans la politique. Elles embarquent, pour cela, leurs congénères tribaux dans leurs batailles, en leur brandissant l’épouvantail du «retard» de leur groupe ethnique, ou de la discrimination dont ils doivent prémunir celui-ci, et doivent pour cela demeurer « vigilants ».

Les « élites » importent ainsi, au Cameroun, le comportement du « pouvoir Hutu » au Rwanda, à savoir un discours au-dessus des classes sociales, et par voie de conséquence occultant de leur antagonisme.

Les « élites », du monde des affaires, quant à elles, se servent de l’appartenance tribale commune avec des personnes, pour les exploiter économiquement. Des hommes d’affaires et commerçants, abusent très souvent de ce fait, de la solidarité tribale pour rémunérer, à moindre coût, leurs employés, contrecarrer des grèves dans leurs entreprises, etc. (…)

La contre-vérité des 250 ethnies.

Le peuple camerounais est communément présenté comme composé de 250 ethnies, et par voie de conséquence, de 250 dialectes, l’expression langues n’étant généralement pas admise pour l’Afrique.

Qu’en est-il réellement ?

Il faudrait tout d’abord critiquer la sémantique introduite auprès de nous par les Européens, et qui répartit le continent africain en tribus, clans, dialectes et patois, et accrédite la fiction d’une extrême division de celui-ci.

D’un point de vue européen, les Osananga, les Manguisa, les Eton, les Ewondo, les Bene, les Akonolinga, les Bam-vele,

les Mbidambani, les Mvele, les Etenga, les Fong, les Bulu, les Fang, les Ntumu, les Mvaé, les Okak, forment dix-sept tribus différentes.

Or, d’un point de vue camerounais, tel n’est pas le cas.

De même, vu d’Europe, les Babete, les Galim, les Babadjou, les Mbouda, les Baleng, les Bafoussam, les Bandjounais, les Bangoua, les Bangangté, les Bamena, les Bazou, les Bangou, les Bachingou, les Bana, les Baham, les Badenkop, etc, ne forment qu’une seule et même tribu, les Bamiléké.

Pour quelle raison ? N’est-ce pas là deux poids deux mesures ? Quels critères ont-ils été retenus pour effectuer ces deux classements ? Est-ce le critère de la langue ? Dans ce cas, des Osanaga aux Okak, c’est la même langue qui est usitée, comment donc parler de dix-sept tribus différentes ? Et dans le même temps, les Bangangté, Mbouda, Dschang, Bafoussam, etc., parlant des langues différentes, pourquoi les appeler tous Bamiléké ?

On le voit bien, il y a problème. En parcourant les régions du Cameroun, et en y dénombrant les communautés linguistiques et culturelles, il n’est guère possible d’atteindre simplement cinquante groupes ethniques, cinquante tribus ainsi que l’ont fait les anthropologues français et l’ont entériné les intellectuels camerounais.

La contre-vérité d’un peuple désuni avant 1958.

Seconde contre-vérité monumentale, et qui s’est enracinée dans la tête des gens : la division du peuple camerounais avant l’avènement de son second gouvernement en 1958.

Ceci est totalement inexact. Le peuple camerounais a prouvé son unité dès le lendemain du partage de notre territoire par les colonisateurs français et britanniques le 04 mars 1916, en deux : une « zone française » à l’Est, et une « zone anglaise » à l’Ouest.

Notre peuple n’a jamais accepté cet acte ignoble, l’a toujours rejeté, et a manifesté de diverses manières ce rejet.

I- La rédaction d’un mémorandum pour les diplomates réunis à Versailles en 1919.

Aussitôt la paix rétablie en Europe en 1918, et la conférence destinée à garantir celle-ci convoquée en 1919 à Versailles dans la banlieue parisienne, des chefs, rois, et autres personnes éveillées du Cameroun, ont adressé aux diplomates européens représentant leurs pays à cette rencontre un mémorandum pour réclamer deux choses :

1/- l’indépendance du Kamerun, conformément aux traités du 12 juillet 1884 instaurant le protectorat allemand sur nos terres et qui n’était valable que pour une durée de trente ans, et, de ce fait, s’achevait le 12 juillet 1914 ;

2 /- la reconstitution du Kamerun originel, c’est-à-dire dans ses frontières d’avant la division du 04 mars 1916.

Naturellement, les conférenciers de Versailles ont froissé le document et l’ont jeté à la poubelle.

II – Le rejet des orthographes Cameroun et Cameroon au profit de Kamerun.

Aussitôt la division du 04 mars 1916 opérée, les Français et les Britanniques ont entrepris de « franciser » et « d’angliciser » l’orthographe du nom de notre pays. Les premiers l’ont transformé en « Cameroun », tandis que les seconds en « Cameroon », abandonnant tous « Kamerun ». Bien mieux, les Français avaient même tenté de l’abolir purement et simplement. Ce sont les traités de Versailles avec la naissance de la Société des Nations, SDN, qui sont venus leur faire renoncer à leur projet. En effet, de 1916 à 1923, ils n’ont fait que désigner notre pays sous l’appellation « Territoires occupés de l’ancien Cameroun ». C’est après 1923 qu’ils l’ont finalement abandonnée pour ne plus utiliser que l’orthographe Cameroun. (…)

En « zone française », il n’était guère possible d’écrire Kamerun, sans provoquer le courroux de l’administration et par voie de conséquence, subir de terribles représailles. C’est pourquoi, lors-que naît en 1948 l’Union des Populations du Cameroun, UPC, ses membres fondateurs ont recours à « Cameroun » plutôt qu’à « Kamerun » comme leurs homologues de la « zone anglaise ». Néanmoins, dans tous ses documents, l’UPC utilisera l’orthographe originelle, à savoir « Kamerun ». De leur côté, les étudiants camerounais en France et en Grande-Bretagne, après avoir un moment opté pour l’orthographe modifiée, sont retournés en 1958 à celle originelle, sur proposition d’un étudiant de la « zone anglaise » à Londres, Bernard Fonlon. L’Union Nationale des Etudiants du Cameroun, UNEC, deviendra ainsi, Union Nationale des Etudiants du Kamerun, UNEK, dès le mois de janvier 1959.

III – La préparation des Missions de visite des Nations Unies de 1949 et de 1952.

Le Cameroun étant devenu en 1946 un territoire sous tutelle des Nations Unies, le Conseil de Tutelle de l’ONU y a dépêché quatre « Missions de visite » entre 1946 et 1960. Ces missions visaient à s’assurer, par des enquêtes sur le terrain, de l’application effective et convenable des clauses de l’accord de tutelle du 13 décembre 1946, tant par le gouvernement britannique que français. La première s’était déroulée en 1949, la seconde en 1952, la troisième en 1955, et la quatrième et dernière en 1958.

En préparation de la première, à savoir celle de 1949, les populations de la « zone anglaise » avaient donné naissance à un parti politique dont le programme était d’œuvrer à la reconstitution du Kamerun, à travers une réunification des deux parties arbitrairement séparées le 4 mars 1916, et à qui ils avaient attribué pour dénomination, Kamerun National Fédération, K.N.F., en abrégé, K.N.F. Ils cherchaient ainsi à démontrer aux diplomates onusiens qui allaient, quelques mois plus tard, séjourner sur notre sol, que tout comme leurs parents, ils rejetaient la division de 1916.

Lorsque la mission de visite est arrivée au Cameroun, l’administration coloniale britannique avait soigneusement empêché tout contact entre celle-ci et les fondateurs du K.N.F. On imagine aisément la forte déception des populations du Southern Cameroon qui s’en était suivie mêlée d’une profonde frustration. Ils s’étaient ainsi mis à attendre de pied ferme la prochaine mission de visite. Celle-ci devait avoir lieu en 1952, soit, trois années plus tard.

En préparation de cette seconde mission, des délégués de la « zone anglaise » et d’autres de la « zone française » s’étaient réunis à Tiko, le 22 août 1952, et avaient signé et rendu public un document qu’ils avaient intitulé « Proclamation de Tiko ». Que disait-elle ? Les populations des deux rives du Mungo s’engageaient à ne jamais renoncer à leur rejet de la division de leur patrie par les colonialistes franco-britanniques le 04 mars 1916, et d’œuvrer par conséquent pour la reconstitution du Kamerun dans ses frontières d’avant cette date, autrement dit, la réunification de notre territoire.

Ainsi donc, lorsque le 18 février 1958 est investi le second gouvernement de la « zone française », celui-ci ne vient tout simplement qu’emboîter le pas à toute cette bataille que mènent les Camerounais des deux rives du Mungo, depuis qu’ils ont connu une division administrative et non des cœurs, en 1916. Il n’en est guère l’initiateur. Il n’en est que le continuateur, tout comme le gouvernement de Buea issu des législatives du mois de février 1959. (…)

V – L’accueil d’Ahmadou Ahidjo à Yaoundé par les Ewondo et les Eton, le 18 février 1958.

Lorsque Jean Ramadier, Haut-commissaire de la République française au Cameroun, obtient, le 16 février 1958, la démission d’André-Marie Mbida et désigne à sa place Ahmadou Ahidjo, il redoute un soulèvement des Ewondo et des Eton, groupe ethnique dont Mbida était issu et qui contrôlait la capitale du Cameroun « français ». En effet, il estime que, de par son appartenance ethnique, un Fulbé de Garoua, du faible nombre de ses congénères à Yaoundé à l’époque, en comparaison avec le nombre écrasant des Ewondo et des Eton, et enfin de sa religion musulmane alors que Mbida était catholique, en plus religion du Sud du pays, Ahmadou Ahidjo ne sera guère accepté par la population locale. En prévision de ce rejet qui, selon lui, pourrait se traduire par des massacres de Nordistes à travers la ville, autrement dit, une guerre civile, il avait fait venir l’armée française de la base de Koutaba, et l’avait postée à Obala, prête à mâter cette insurrection imaginaire. Mal lui en a pris, c’est dans sa tête de colon uniquement que les choses pouvaient se passer ainsi qu’il le redoutait, et non dans la réalité. Les populations de Yaoundé et des environs, à savoir les Ewondo, Eton, Mvele, Bene, etc., ont plutôt souhaité la bienvenue à Ahmadou Ahidjo, et ont accepté de bonne grâce son pouvoir. Elles ont prouvé aux colons qu’elles n’étaient pas les tribalistes prêts à organiser des massacres que ceux-ci voyaient en eux. Au bout d’une semaine, Jean Ramadier a été bien obligé de reconnaître l’évidence. Les Camerounais n’étaient pas prêts à se lancer dans une guerre civile…

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